« Allo ! Bonjour, ici la HAS[1]. On, m’a donné vos coordonnées car vous semblez vous intéresser de près au cancer du col de l’utérus et j’aimerais que vous fassiez partie du groupe de travail de notre prochaine recommandation. » « Merci de votre proposition, eh bien d’accord pour y participer. Je pense qu’on a dû vous dire que je n’ai pas forcément une position très habituelle concernant la vaccination ? Vous savez, il existe une controverse à ce propos et on ne pourra pas ne pas en parler. » « Ce n’est pas le thème de cette recommandation, mais ce thème sera évoqué. Nous avons besoin de personnes qui puissent être une certaine opposition aux gynécologues. Je vous envoie le premier document de travail. Ah oui, je vous envoie aussi la déclaration des conflits d’intérêts prévue par la loi. »
Quelques semaines après, ce premier document de synthèse arrive, ainsi que le récapitulatif des déclarations de conflits d’intérêts des membres du groupe de travail. Quelle surprise à sa lecture ! Le texte, même s’il donne la plus grande part au frottis, parle de l’intérêt de la vaccination comme une vérité non discutable !
Certains membres du groupe de travail présentent des conflits considérés comme « majeurs » par la HAS, notamment vis-à-vis des fabriquant de vaccin antiHPV[2] !
« Heu, Mme la HAS, ce n’est pas gênant d’avoir de tels conflits dans le groupe ? Ah bon, vous les avez pris en compte et considérez qu’ils sont sans rapport avec le thème abordé ? C’est vrai qu’il est effectivement marqué qu’ils ont été étudiés… et acceptés ! Faudra quand même les signaler aux futurs lecteurs ! »
Les semaines passent, les mois passent, les réunions se poursuivent à Paris et parfois en visioconférence avec la Réunion. A l’occasion d’un voyage personnel, j’y suis même allé pour la dernière séance de travail, car c’était la dernière occasion d’essayer d’être entendu de façon directe par le groupe puisque celui-ci restait sourd à mes différentes demandes d’amendements concernant ce qui était écrit à propos de la vaccination et sur notre position concernant sa publicité outrancière. Ces amendements sont systématiquement refusés car la vaccination n’était pas le thème de la recommandation. Dans ce cas, pourquoi en parler alors ?
Que ce soit de loin ou de près, ces réunions deviennent vite houleuses… Le ton monte, l’échéance approche, le temps presse et les mails se font de plus en plus cinglants, même avec l’autorité suprême de la HAS.
Vient le tour du groupe de lecture de donner son avis. Ces avis sont récapitulés et exposés : « les avis minoritaires ne sont pas pris en compte car… minoritaires ». Ah bon ! Et en pendant ce temps…
…Dans un CHU : « Allo bonjour, je voudrai un rendez-vous avec le Professeur ? » Vous savez, il est bien occupé ces jours-ci car il est en conférence de presse. Il a participé à la nouvelle recommandation sur le frottis. « Ah, c’est bien et je suis fière. Il revient quand ? Dans quelques jours ? Il n’y a pas de problème, je peux attendre. Je l’ai vu dans le reportage à la télé, j’attendrai son retour. Paraît alors qu’il faut faire le dépistage ? J’ai aussi entendu le journaliste parler du vaccin. Il faut absolument que je le fasse faire à ma fille… »
…Dans un cabinet de terrain : « Bonjour, le cabinet médical ? Je voudrais prendre un rendez-vous avec le Docteur ». Ah, désolé, il n’est pas là, il est à une réunion. « Encore ! Mais il est bien souvent en réunion le docteur ! ». Oui, mais vous savez, c’est à une réunion importante pour faire une meilleure médecine et mieux vous soigner. « Je sais, je connais son discours. En attendant, c’est mon médecin traitant, et il n’est jamais là…et je suis sûr que c’est encore avec les labos qu’il va à Paris se payer des vacances ! » Non, c’est pour la Haute autorité de santé et d’ailleurs, elle ne lui a pas payé le voyage…
Essayer de prôner la qualité en santé est contre-productif dans un système libéral de paiement à l’acte. Certains patients ne le supportent pas. C’est si facile de n’être que de simples exécutants, sans rien faire ni rien dire, même lorsque l’on doute… mais faut-il encore pouvoir douter ? Un médecin peut-il douter ? Doit-il douter… au risque ensuite que le patient doute de son médecin !
A aucun moment, et malgré nos demandes répétées, la vaccination n’a été abordée dans les différents séances du groupe de travail. Sujet tabou ? Probablement ! En rapport avec la présence très influente de membres très impliqués dans cette vaccination ? Très certainement !
La grande majorité, silencieuse, s’est simplement « exprimée » par la non réprobation face à des leaders d’opinions qui s’expriment à sa place. Certains s’agenouillent, des représentants de patients s’offusquent qu’on puisse remettre en cause les experts, les cartes se brouillent… mais la recommandation va sortir. Des menaces se précisent de part et d’autre… et la recommandation évolue lors du passage au collège de la HAS (instance validant en dernier recours le texte)... avec un texte final[3] qui enfin… remet la vaccination à sa place et exprime clairement les doutes à son sujet. Mais il s’agit encore d’un clair obscur qui aurait mérité un peu plus de courage de la HAS, coincée entre le bon sens médical des acteurs de terrain, et les conflits d’intérêts de certains de ses experts.
En attendant, dès le lendemain de la conférence de presse annonçant la sortie de cette recommandation, la presse grand public continuait de dire que le vaccin devait être fait car il était efficace. Pourquoi la presse le dit-elle puisque la vaccination était hors sujet ?… mais chut, tout cela doit rester confidentiel ! Télécharger l'article dans sa version originale (version pdf)
[1] La HAS (Haute Autorité de santé) a pour mission, entre autre, d’élaborer des recommandations pour l’ensemble des praticiens français. Elles le sont grâce à un groupe de travail puis de lecture après analyse critique de la littérature française et internationale. En respectant ces recommandations (pouvant être considérées comme opposables aux médecins puisqu’émanant de l’autorité scientifique française de référence), il est probable qu’on ne s’éloigne pas trop de l’EBM (Evidence Based Medecine : médecine validée par les preuves). Malheureusement, toutes ne sont pas élaborées avec la rigueur et l’indépendance annoncées, ce qui nuit à leur crédibilité. En fonction de la personnalité du chef de projet et des experts choisis, les conclusions de ces recommandations peuvent devenir polémiques et non partagées : « Ah, cher conflit d’intérêt, mais quand me laisseras-tu tranquille ? »… [2] Il s’agit de la vaccination proposée contre certains papillomavirus (HPV) qui peuvent être responsables de certains cancers du col de l’utérus. Pour en savoir plus et encore plus sur la vaccination : http://www.medocean.re « L’efficacité réelle du vaccin antiHPV en prévention des lésions cancéreuses du col non invasives (CIN 2-3) est inférieure à 20 %, tous HPV et populations confondus : faut que ça se sache et que ça se répète … » http://www.fda.gov/ohrms/dockets/ac/06/briefing/2006-4222B3.pdf http://content.nejm.org/cgi/reprint/356/19/1915.pdf [3] http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-11/fiche_de_synthese_recommandations_depistage_cancer_du_col_de_luterus.pdf